« Les histoires de créations » est la nouvelle rubrique du blog, là où chaque saison de l’année, je vais à la rencontre d’une créatrice ou d’un créateur pour écouter son histoire. La création peut être le métier principal de nos invités, ou un parmi leurs métiers exercés, ou juste un pur hobby.
Avec les histoires de créations, j’espère casser les clichés qui creusent l’écart entre la vision du grand public sur les métiers créatifs et la réalité.
Personnage du printemps : Morgane du compte Instagram @morgane.mood
Janvier 2020, quand j’étais encore salariée, un de mes collègues m’a montré le compte d’Instagram de sa femme avec beaucoup de fierté, en disant qu’elle était influenceuse. C’était le compte de Morgane, qui s’appelait encore @moragne.mum à ce moment-là.
A cette époque, j’avais un emploi du temps rempli jusqu’au craquage et la tête dans le même état. Le compte Instagram lifestyle de Morgane m’a donné envie de me balader seule après chaque journée de travail et de redécouvrir Dijon, la ville dans laquelle je vis. C’était ma dose de douceur au quotidien.
Pour ce début de printemps, et pour le premier article de cette rubrique, je vous invite à découvrir l’histoire de création de Morgane. Ses contenus positifs, chaleureux, soignés, sont comme un livre feel-good qu’on savoure en sirotant une tasse de thé.
Pour cet article, nous nous sommes vues un samedi ensoleillé au centre commercial Toison d’Or à Dijon, là où Morgane est ambassadrice. Nous avons parlé ouvertement du métier d’influenceuse / créatrice de contenus sur Instagram, du lien entre celui-ci et la créativité, du changement du nom de son compte, et l’équilibre entre les différents rôles qu’elle joue dans la vie : mère, femme, éducatrice et créatrice.
Première partie
Créatrice – Mère / créatrice – Educatrice / créatrice
Etre créatrice – être crédible
Tu Ha An (An) : Imagine si on ne se connaissait pas, comment tu te présenterais ?
Morgane : Moi, je me présente souvent : Je suis Morgane, j’ai 37 ans. Je suis éducatrice spécialisée dans un service ado-psychiatrie à la Chartreuse. Je suis mariée et j’ai 2 de garçons, un de 10 ans et un de 5 ans. J’adore la photo, le cinéma, la musique, la danse et créer. Voilà !
J’avoue que je n’ai pas dit que j’étais sur Instagram. J’ai encore du mal quand on me demande “Mais tu es influenceuse ?” C’est compliqué de trouver son identité sur les réseaux.
An : Je trouve que cette question, qui arrive en premier à toutes les rencontres, n’est pas si simple à répondre. Soit parce qu’on est mal à l’aise quand on fait un “vrai” métier mais ce dernier ne correspondent pas à nos valeurs, soit parce que la personne en face risque de ne pas nous prendre au sérieux.
Ça t’est déjà arrivé de te présenter en tant qu’Instagrameuse / influenceuse ? Comment tu fais pour paraître plus crédible ?
Morgane : Justement, je présente toujours mon métier, mon vrai métier. Je me sens toujours obligée d’expliquer comment je suis arrivée sur Instagram.
Sur les événements, je suis traitée un peu comme une VIP alors que je n’ai pas énormément d’abonnés. Qui peut juger si mon travail sur Instagram est de la qualité ou pas ? Je me suis longtemps questionnée.
Mais derrière ça, j’ai adoré rencontrer les gens. Sur Dijon, en participant à plein d’événements, j’ai pu discuter avec des personnes qui ouvraient leur resto, leur bar, leur boutique. J’ai adoré apprendre à connaître leurs histoires. Et cela rejoint clairement mon métier d’éducatrice, avec le lien entre les humains.
Une fois que j’ai capté ça, je me sentais plus légitime. Je comprenais mieux ma place sur Instagram et pourquoi je faisais tout ça.
Peut-être qu’un jour, je finirai par ne plus dire que je suis éducatrice. Mais même sur mon profil Instagram, je l’ai mis. Pour moi ce sont deux mondes distincts, qui se rejoignent parfois, mais c’est quand même deux mondes très différents.
An : Penses-tu que c’est un problème rencontré par les créateurs de contenus sur les réseaux en général ou c’est aussi un problème que les femmes rencontrent plus que les hommes ?
Morgane : Je pense qu’il y a un peu des deux.
An : J’ai l’impression que le fait de se présenter en tant qu’Instagrameur, YouTubeur, influenceur, crée déjà une certaine méfiance chez la personne en face. Et puis, quand un homme dit qu’il fait des photos et des vidéos sur internet, on a en tête l’image d’un bonhomme équipé de boitiers, d’objectifs, de systèmes d’éclairage… Tandis que quand une femme dit qu’elle fait des photos et des vidéos sur Internet, les gens ont tendance à imaginer une petite femme qui fait des selfies avec son smartphone…
Morgane : Je pense aussi que malheureusement, les femmes devront encore faire leurs preuves. Et ça tient beaucoup au positionnement de l’homme aussi. Moi, j’ai la chance d’avoir Guillaume, mon mari qui est très en avance sur son temps.
J’y pense tous les jours quand j’élève mes garçons. Quel l’exemple l’enfant va avoir chez lui ? Comment nous élevons nos garçons et nos filles ? Pour moi, ça commence par apprendre à l’enfant à être connecté à ses émotions pour pouvoir reconnaître celle de l’autre et avoir de l’empathie.
Même s’il y a plein de choses qui sont en place maintenant avec le mouvement du féminisme, aujourd’hui on entend trop de discours militants. Même si je soutiens ces valeurs, je trouve que c’est dommage car quand il y a trop, le message est complètement noyé.
Il y a aussi plein d’influenceuses qui vont à l’encontre de ces valeurs. Et malheureusement, ça marche. Bien sûr que toutes les femmes méritent de faire ce qu’elles veulent. Mais dans les supports comme la téléréalité, l’image d’une femme est complètement manipulée par les filles elles-mêmes. Je trouve que ça fait perdre de la crédibilité aux autres femmes.
Après, ce qui est bien sur les réseaux c’est qu’il y a de tout. Sur Instagram on trouve aussi des femmes hyper inspirantes. Elles ont de plus en plus de visibilité et c’est vraiment cool.
Jongleuse entre plusieurs rôle : mère, femme, éducatrice et créatrice
An : Tu as commencé Instagram en quelle année ?
Morgane : C’était surtout pour Matt, donc en 2016. Mon compte s’appelait @morgane.mum d’ailleurs.
Matt a eu le syndrome de tête plate. Ce qui m’avait choquée c’est de ne rien trouver sur Dijon et de ne rien trouver sur les réseaux. J’avais donc monté mon blog qui m’aidait beaucoup à vivre cette épreuve.
Ensuite, naturellement, mes contenus sont partis sur le monde de maman-bébé. Je me suis rendue compte qu’il y a plein de mamans sur Instagram qui sont des mamans-créatrices, des cheffes de leur propre entreprise. Cela correspond aussi à mes valeurs et après, ça mène aux partenariats, aux collaborations.
De temps en temps j’ai des collaborations avec des grosses marques. Mais je choisis des marques qui sont sensibles à la protection de la planète. J’essaie de faire des impacts à ma petite échelle.
An : Aujourd’hui, tu as plusieurs rôles : rôle de mère, de femme, d’éducatrice, de créatrice. Comment c’est fait pour jongler entre tous ces rôles ?
Morgane : C’est toute une organisation ! Avec Guillaume on a un emploi du temps commun. Il connaît tous mes rendez-vous. Lui, il a un planning de travail qui n’est pas fixe et il me l’envoie dès qu’il y a un changement. Il faut que je sache rapidement qui s’occupe des enfants.
En temps normal, j’ai mon travail de 9h à 17h30 à la Chartreuse. J’ai ma pause du midi qui peut être consacrée à mon travail sur Instagram. A partir de 17h30, je suis maman. Souvent Guillaume n’est pas à la maison le soir.
Aujourd’hui par exemple, Guillaume sait que ce matin j’ai calé toutes mes activités à la Toison d’Or. Il y a l’opération cupcake pour récolter des aides pour l’association Handi’Chiens Dijon et Chiens Guides de l’Est, je livre aussi mes bougies faites-main, et en même temps j’ai rendez-vous avec toi.
Là, c’est Guillaume qui s’occupe des enfants. Guillaume va commencer sa journée de travail à 13h, donc cet après-midi je suis maman. Si j’ai des shootings de photos à faire ou des collaborations à réaliser, j’essaie de caler le weekend.
De plus en plus, j’essaie de mêler Guillaume ou ma famille dans les collaborations. Par exemple, pour les dégustations de vins, comme je ne bois pas beaucoup, j’amène Guillaume et ça lui fait plaisir.
En tout cas, c’est très important qu’on ait des moments tous les quatre et aussi des moments que tous les deux et que j’ai des moments seule.
An: As-tu déjà ressenti la pression de la société ou des proches qui te poussent dans les cases de « mère » et « femme » ?
Cette question est peut-être liée à ma culture d’origine. Des fois quand je parle d’un nouveau projet, la première réaction en face (dans un registre tout à fait bienveillant) sera : « Qu’en pense ton conjoint ? » ou « N’oublie pas que la priorité d’une femme est quand même fonder une famille »…
Morgane : Ça s’est déjà arrivé et ça arrive toujours. Mais ces personnes projettent sur nous leur peur et leur façon de voir la vie.
Une fois que tu sais ça, ça ne t’atteint plus.
Moi, je me pose aussi la question dans le sens inverse. Ce que je montre sur Instagram entre en quelque sorte dans les clichés, même si c’est la vraie vie que j’ai construite avec Guillaume. Mais effectivement, cela peut donner cette image qui peut paraître lisse et parfaite.
L’essentiel est qu’avec Guillaume, on s’aime, avec les enfants, tout se passe bien. Mais le mariage est un travail qui demande des efforts ! Ça s’entretient et ça se réfléchit.
On a vécu aussi des moments compliqués, comme quand on venait d’avoir notre premier bébé. Pendant 1 an, je n’étais qu’une maman. Alors qu’on est mère, on est femme, on est travailleuse, on est créatrice. Franchement ça aurait pu mal tourner. Mais mon mari a su m’écouter et me faire rebondir.
En plus, avant d’être avec Guillaume, j’ai toujours dit que je ne me marierais jamais, que je n’aurais pas besoin d’un homme. Je pensais que le mariage pouvait m’enfermer. Mais en réalité, pas du tout !
An : En 2021, tu as changé le nom de ton compte Instagram, de @morgane.mum à @morgane.mood. Pourquoi avais-tu fait ce choix ?
Morgane : Ça fait partie de cette période d’un an où je n’ai été qu’une maman.
Moi-même, j’apprenais en même temps que mon compte. On apprend tous les jours quand on est maman. Ça fait aussi partie de mon métier d’éducatrice de rencontrer des mamans, des enfants et d’observer cette relation.
Puis je me suis rendue compte que @morgane.mum faisait vraiment Morgane-maman et je ne suis pas que « maman ».
Le changement est lié aussi à ma progression dans mon métier en travaillant avec des adolescents sur les émotions, l’empathie, la bienveillance de l’autre et de soi. « MOOD » signifie l’humeur. Et les humeurs font partie de la vie. Il est important d’accepter quand ça ne va pas.
J’ai envie de faire ressortir ça sur Instagram et quand je me présente lors des évènements dans le milieu de l’influence.
(à suivre)
Vous pouvez retrouver Morgane sur Instagram
La deuxième partie de l’article, publié le 15 avril 2022 : « Influenceuse » est un vrai métier. Et c’est un beau métier !
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