Tu Ha An - Illustration Onirique & Multiculturelle

Ce que les 10 ans de travail dans la sécurité ont apporté à ma vie créative

Récemment, mon autrice préférée, Chi Nguyen, a présenté un exercice dans une vidéo YouTube qui s’intitule : Regarder sa carrière comme un livre avec plusieurs chapitres.

L’exercice consiste à écrire sur papier les différents « chapitres » de notre vie professionnelle, de l’instant présent, jusqu’au moment où nous souhaitons arrêter notre carrière. Chaque chapitre représente une période de 5 ans.

Vu que je n’ai jamais eu une vue d’ensemble détaillée sur mon futur, j’ai attaqué l’exercice avec beaucoup de curiosité et d’enthousiasme.

Mais… dès le moment où ma plume touche la feuille, je me suis rendu compte que mon « livre » de ma carrière d’illustratrice ne commence qu’à mes 28 ans. Ce qui signifie que j’ai dépensé 10 ans de ma vie dans un domaine qui est loin d’être mon True North.

10 ans est une période non-négligeable dans une vie. Pourtant, je ne considère pas ces 10 ans comme du temps perdu. Même si j’ai dû traverser beaucoup de moments difficiles, mon ancien travail dans la sécurité ferroviaire m’a apporté beaucoup de trésors, notamment 3 leçons que j’applique tous les jours dans ma nouvelle vie créative.

1. Les retours remplis de commentaires sont des cadeaux

Pourquoi donc ?

Quand j’étais à l’école, j’appréhendais toujours les séances où les professeurs rendent les copies. J’avais peur d’apercevoir ma copie tartinée de corrections en encre rouge. Souvent, le nombre de remarques est inversement proportionnel à la note.

C’est pour cette raison que j’étais en panique, au début de mon stage de fin d’études, quand mon supérieur hiérarchique me rendait le premier mode d’opératoire que j’ai rédigé. En ouvrant le document, les corrections toutes rouges générées avec la fonction suivi des modifications sur Word m’ont sauté aux yeux. J’avais l’impression d’avoir déçu mon responsable. La pression montait au maximum en moi quand mon supérieur hiérarchique m’a demandé de me voir en fin de matinée pour discuter de ce document.

Contrairement à toutes mes craintes, aucune reproches ou déceptions n’ont été prononcées. Mon responsable m’a fait comprendre que dans le travail, il n’y a plus de bonnes ou de mauvaises notes. Tout ce qui compte, c’est l’effort de produire le meilleur résultat avec les moyens que nous avons à l’instant même.

Les commentaires et les remarques lors des relectures ont pour but de renforcer les idées, en mettant en lumière les éventuels contre-arguments. Ils nous donnent également des points de vue variés et initient les échanges.

Avec le système de double, voire triple validation, j’ai vu passer beaucoup de style de commentaires et remarques sur mes rédactions. Je me suis rendue compte que ce n’est pas toujours un bon signe quand le document est renvoyé sans commentaires. Souvent, ça arrive que l’interlocuteur n’a pas le temps (ou n’a pas envie de prendre le temps) pour lire dans les détails, voire l’interlocuteur n’a pas le niveau de compétence nécessaire pour commenter ces documents.

Comment cela a aidé ma vie créative ?

La réception des remarques des clients est une des plus grandes craintes que beaucoup de créatifs ont avant de se lancer en tant que professionnel.

Certes, je préfère quand mon client me dit : « Woah, vos croquis sont au-delà de mes attentes ! Je n’ai rien à dire, passons à l’étape suivante ! » Mais avec mon expérience dans la sécurité, je me sens aussi rassurée de recevoir des retours remplis de commentaires, car je sais que la version finale sera la meilleure version, avec les moyens que le client et moi, nous avons au moment de la création de chaque illustration.

Je suis reconnaissante du temps et de l’attention que mes clients et mes éditrices ont donnés à mes créations.

2. Il est primordial de bien nommer nos fichiers

Pourquoi donc ?

Une grande partie de mon ancien travail consistait à analyser les accidents tramway, pour éviter que cela se reproduisent.

Lors de l’analyse, nous ne regardions pas uniquement le déroulement de l’accident. Nous devions également décortiquer :

  • Quelle procédure a été appliquée par nos conducteurs. Quelle est sa dernière version ?
  • Quelle procédure a été appliquée par nos conducteurs. Quelle est sa dernière version ?
  • Quelles sont les formations que nos conducteurs ont suivies ?
  • Quand est-ce que ces formations ont été mises à jour ?
  • Quel est le planning du conducteur durant la semaine qui a précédé l’accident ?
  • Et le tramway, il a été maintenu en suivant quelle procédure ?

Pour répondre à toutes ces questions, il fallait que nous puissions retrouver rapidement les documents qui dormaient depuis des années. Et pour cela, chaque employé de l’entreprise devait suivre une règle pour nommer chaque fichier créé, de façon que nous ayons un maximum d’informations rien qu’en regardant leur titre.

Comment cela a aidé ma vie créative ?

Dès le début de mon activité, je savais que la An du futur galérera si je nomme mes fichiers « Dessin 1 » ou « Article de blog été V3 ».

J’ai donc appliqué un système de nomination pour chaque fichier. Tous mes fichiers de travail sont nommés comme-ci :

Date inversée _ Type de document _ Nom du projet (ou nom du client)

Par exemple :

20221015_Couverture_The Present Day planner

20230309_Illustration colorée_Thien Huong NGUYEN

Avec la date inversée, mes fichiers sont automatiquement classés dans l’ordre chronologique. Je n’ai même plus besoin de retenir si la dernière version est la V3 ou la V4.

Plus tard, si un ancien client revient après 10 ans, souhaitant faire une suite pour un de nos projets, je sais que je pourrai retrouver tous les fichiers rapidement et facilement. J’aurai du temps en plus et de la charge mentale en moins !

3. Mon travail doit être adapté à ma santé, et pas l’inverse !

Pourquoi donc ?

Je me souviens d’un cours de physiologie à l’IUT, où mon professeur nous a parlé d’un ouvrier qui avait mal au dos. L’ouvrier lui disait : « J’ai 50 ans, c’est normal d’avoir mal au dos à cet âge ! »

« C’est faux ! » – disait notre professeur « Ce n’est pas parce que toutes les personnes de 50 ans dans son usine ont mal au dos que cette douleur devient une normalité ! »

Ce jour-là, il nous a parlé des idées reçues en lien avec les douleurs physiques. J’ai appris à quel point il est important d’analyser les douleurs physiques pour trouver les problèmes dans les conditions de travail. Il faut que l’environnement, l’organisation et les conditions de travail soient adaptés à la santé de l’humain, et pas l’inverse !

Comment cela a aidé ma vie créative ?

J’ai partagé ma vision sur la santé physique dans le dernier paragraphe de l’article Salut 2023 & keep creating!

A chaque fois que mon dos commence à se raidir, ou que mon poignet commence à gonfler, je ne me suis jamais dit que c’est normal d’avoir mal à ces endroits, parce que la plupart des dessinateurs ont des tendinites ou des lombalgies. Je sais qu’il faut que j’effectue des changements dans mon travail jusqu’à ce que mon corps aille mieux.

Ces changements peuvent être une modification de l’emplacement du bureau, ou un ajout de repose poignet. Mais ça peut également être un changement d’organisation, en ajoutant des sessions d’étirements dans la journée, ou des séances de yoga dans la semaine.

Du coup, je n’ai jamais regretté les 10 ans d’études et de travail dans la sécurité ?

10 ans est quand même une longue période.

Je me souviens encore des soirs où je rentrais du bureau en marchant le long du canal, épuisée, perdue, déçue après une longue journée de réunion. J’avais l’impression de gâcher mon temps, de rester bloquée, alors que tous les ans, de nouveaux illustrateurs entraient sur le marché avec des idées créatives de plus en plus innovantes. Et surtout, ils sont de plus en plus jeunes.

Mais dès le moment où je me suis lancée en tant qu’illustratrice, je ne ressens plus aucun regret. Je suis simplement heureuse avec mon présent.

Vous ne pouvez relier les points en regardant vers l’avant, vous ne pouvez les relier qu’en regardant en arrière.

Steve Jobs

Hier, en faisant l’exercice « Regarder sa carrière comme un livre avec plusieurs chapitres », je me suis rendu compte que j’ai encore au moins trois fois 10 ans devant moi pour exercer le métier que j’aime. Et je tiens à ce que ces trois fois 10 ans soient une aventure heureuse remplie de leçons.

Keep creating!

Tu Ha An

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