Edité par Jo, mon éditrice en cheffe
Je suis illustratrice. Et j’ai énormément de chance d’exercer le métier qui me fait rêver depuis mon enfance.
Cependant, avant de vivre de ma passion, j’ai eu un parcours très « conventionnel » (vous pouvez en savoir plus via ces deux articles : Start with why – Pourquoi le blog ? et Ce que 10 ans de travail dans la sécurité ont apporté à ma vie créative). Même si aujourd’hui, le fait d’être illustratrice me paraît être une évidence absolue, pendant plusieurs années, j’ai testé plein d’autres métiers, plus « sérieux et réalistes », dans l’optique de concilier mon besoin de créativité et l’approbation de ma famille. J’étais monteuse, organisatrice d’évènements, graphiste, cadreuse… et, comme vous avez vu dans le titre de l’article : photographe, en particulier : photographe de mariage.
Il existe beaucoup de témoignage de créatif.ve.s qui racontent comment ils ont trouvé leur voie. Aujourd’hui, je vais partager avec vous comment je pouvais être certaine que « photographe de mariage » n’était pas ma voie !
Aux 3 premiers mariages en France auxquels j’étais invitée, j’étais photographe.
- La 1ère fois : c’était le mariage d’un ami. J’avais 21 ans.
- La 2ème fois : c’était le mariage d’un membre de ma famille. J’avais 25 ans.
- La 3ème fois : c’était le mariage d’un couple d’amis. J’étais rémunérée. J’avais 26 ans.
Aux 3 événements, j’ai considéré ma mission de photographe comme un vrai travail sérieux.
A la base, j’aime la photographie. J’ai beaucoup d’affection pour les sujets que j’ai pris en photo ces jours-là. Mes « clients » étaient satisfaits.
Alors, pourquoi j’ai choisi de NE PAS devenir photographe de mariage ?
Au premier mariage, j’ai réalisé que je voyais des « sh*t sandwich » partout.
C’était à ce premier mariage que j’ai découvert les spécificités du métier par rapport à d’autres domaines de la photographie :
- La pression temporelle : Il n’y a pas de 2ème chance pour capturer des moments spontanés, émotionnels, significatifs qui ne se reproduiront jamais ;
- La pression technique : Vu qu’il n’y a pas de 2ème chance, le matériel a intérêt à ne pas faire de caprices ;
- La pression sociale : Afin de capturer les meilleurs moments, il faut avoir le culot de se mettre devant tous les autres invités, et peut-être, de se mettre devant tous les téléphones levés, en train de prendre des photos des mariés…
Le sh*t sandwich, expliqué par Elizabeth Gilbert dans son livre Comme par magie, est l’ensemble des aspects les plus rébarbatifs d’un métier.
Beaucoup de créatif.ve.s réussissent à avoir une carrière durable, non pas parce que leur carrière est un long fleuve tranquille, mais parce qu’ils sont suffisamment passionné.e.s pour endurer tous les sh*t sandwich sur le chemin.
Et moi, avant de me heurter aux sh*t sandwich sur le chemin, je voyais déjà les spécificités du métier comme un énorme sh*t sandwich.
Les conditions de travail de cette mission s’éloignent de celles qui nourrissent ma créativité tel que le silence, la sérénité et la tranquillité.
Même si j’adorais prendre des photos, et que j’étais honorée d’avoir eu la confiance de mon ami pour immortaliser son grand jour, j’ai quand même réalisé que ma personnalité ne correspondait pas à ce métier.
Mais ce constat ne m’a pas empêché de réessayer.
Au deuxième mariage, j’ai réalisé que je ne voulais pas évoluer.
Quand ma grande cousine m’annonçait sa date de mariage avec la voix remplie d’émotions, j’avais tout de suite eu envie de lui offrir un cadeau spécial. Je lui ai donc proposé de l’aider à capturer ce beau jour.
C’était un mariage en petit comité, à l’ambiance détendue. J’avais cette fois-ci plus de moyens qui m’avaient permis de prévoir du matériel en double pour couvrir les éventuels soucis techniques. J’étais aussi plus sociable, dynamique et expérimentée qu’au premier mariage. C’étaient les conditions parfaites pour ma concentration et ma créativité.
Pourtant, un nouvel élément m’a perturbé…
Pendant la soirée, j’ai montré les photos à l’une des invitées, et elle n’avait pas l’air convaincue.
A ce moment-là, je me suis rendue compte que :
- J’ai douté. Je n’étais donc pas sûre de mes propres capacités. Je n’avais pas assez confiance en mes photos.
- J’avais envie de contester, de prouver que mes photos étaient assez belles. Mon ego était donc plus grand que l’envie de faire plaisir aux autres. C’est un mauvais signe pour un prestataire de service.
- Et le plus important : je ne ressentais pas l’envie de changer ma façon de faire.
Contrairement à ça, j’ai toujours été consciente de mon niveau de dessin. Je suis totalement confiante que je peux faire plaisir à mes clients et à moi-même avec mes traits. Et le plus important : j’ai toujours envie de dessiner mieux.
A ce moment-là, je savais que j’aimais la photographie comme un hobby, pas comme une profession.
Vous savez ce qui est marrant ? Le lendemain du mariage, j’ai reçu l’appel d’une pote pour me partager son idée d’ouvrir une agence de wedding planner. Et vous avez sûrement deviné, elle m’a proposé le poste de photographe.
Malgré les prises de conscience à la suite des deux premiers mariages, j’ai quand même étudié l’offre très sérieusement, jusqu’à un événement qui confirmait ma position…
Au troisième mariage, j’ai réalisé que je n’aimais pas les mariages.
Cette fois-ci, tout s’est passé merveilleusement bien. J’ai passé une bonne journée. J’étais entièrement contente de mes photos. (Et mieux encore, j’étais payée.)
Les questions sont arrivées après, au moment où les photos ont été publiées sur les réseaux sociaux.
« Pourquoi An n’est sur aucune photo ? »
« Ahah ! An s’habille comme si elle vient pour voler la mariée ! »
« Pourquoi tu portes un sac à dos à un mariage ? »
En lisant ces commentaires, je me suis rendue compte que j’ai toujours été « au travail » lors de ces beaux jours.
En me concentrant sur les prises de vue, je n’ai jamais écouté le discours des mariés.
En m’habillant pour faciliter le déplacement, et pour ne pas détourner l’attention des mariés, j’ai toujours été en jean et veste sombre (avec beaucoup de poches).
Et en prenant des photos, je n’étais sur aucune photo de groupe.
J’étais sincèrement heureuse pour mes amis qui se mariaient. J’étais aussi très honorée d’être invitée. Mais j’ai aussi constaté que c’était parce que c’était le mariage de mes proches.
Le mariage lui-même et tous les sujets qui tournent autour ne faisaient pas vibrer mon cœur. Pour moi, le mariage est comme la cérémonie des diplômes. C’est cool, important et émouvant. Mais je n’ai pas envie d’y aller tous les jours.
D’une part, je réalise que je ne veux pas passer mes jours à assister à des mariages, surtout ceux des clients avec lesquels je n’ai pas de liens.
D’autre part, je veux être présente pleinement aux mariages des personnes qui comptent pour moi.
C’était clair : photographe de mariage ne sera ni mon métier, ni un loisir.
Je ne suis pas photographe de mariage.
Je n’ai jamais expliqué toutes ces raisons à ma pote qui voulait ouvrir l’agence de wedding planner, ni aux autres personnes suivantes qui me proposaient de photographier leur grand jour.
Car, un nouvel élément est entré en jeu : ma santé. J’ai eu des problèmes de dos qui font que je ne peux plus porter les deux appareils en étant debout durant une cérémonie.
Avant, « photographe de mariage » était une possibilité que j’avais le choix de décliner. Aujourd’hui, c’est juste une porte qui est fermée éternellement devant mes yeux.
Mais vous savez ce qui est intéressant ?
Cette année, j’ai été invitée à 3 mariages.
Je me suis amusée à fond aux 3 mariages de 3 amies très chères. Et j’ai pu observer les photographes de mariages professionnels (et amateurs) qui exercent.
J’ai vu la joie dans leurs yeux, les gestes minutieux de leurs mains, et l’attention dans leurs pas.
Est-ce que ça me donne un pincement au cœur ?
Non, aucunement.
Parce qu’entre-temps, j’ai trouvé l’illustration – ma voie, ma carrière, ma passion absolue. C’est comme quand on a la chance de se marier avec la bonne personne, il n’existe plus aucuns doutes, aucuns regrets, aucunes questions.
Il ne reste qu’une belle aventure à découvrir chaque jour.
J’espère que vous aussi, vous vous levez chaque jour avec une belle aventure que votre carrière vous réserve.
Keep creating !
Tu Ha An
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