Edité par ma Viet-unnie Chopsticks
En Septembre 2022, comme d’habitude, j’ai publié deux articles sur le blog. Il s’agit d’une interview en 2 parties.
Ces deux articles, pour lesquels j’éprouve de l’affection et de la reconnaissance, étaient également les articles les plus longs et énergivores à écrire depuis la création de mon blog. Et tout ça, c’est à cause de mon imprudence.
Je dois avouer que j’ai mis en place la rubrique “interview” en étant persuadée que… cela serait facile et rapide à réaliser, comme une bouffée d’oxygène par rapport à la rédaction des articles classiques.
J’imaginais aller à la rencontre avec une personne qui m’inspire, puis, il suffirait d’éditer un peu l’interview pour que le contenu soit prêt ; pas besoin de recherches, pas besoin d’un angle original, pas besoin de remuer un souvenir pour extraire l’essentiel sans blesser la personne concernée…
J’ai rencontré Lan, mon invitée, au printemps, en pensant la présenter comme le personnage d’été. Cependant, je n’ai pas pu finaliser l’article avant l’automne. Et il m’a fallu 45 heures pour sortir cette interview en deux parties, dont 22 heures et 30 minutes par article !!!
Comment un contenu qui paraissait « facile » est devenu le contenu le plus complexe à produire ? Je vous expliquerai tout dans cet article. Et surtout, je vous donnerai des pistes pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
La perle brute
Lan est la toute première personne que j’ai interviewée.
Comme je voulais qu’elle soit détendue pour libérer la parole, je n’ai fixé aucun limite, ni sur le sujet, ni sur le temps. J’ai choisi d’enregistrer nos voix notre discussion au lieu de prendre des notes, pour écouter en toute conscience l’histoire de mon invitée. L’échange a duré 3 heures dans les émotions et dans la bienveillance.
Au moment où j’ai arrêté l’enregistrement audio, je sentais que je tenais une perle brute dans les mains.
Nous étions en février 2022. J’ai prévu de publier l’article en juillet. Je me suis dit : « On est large ! »
Première alerte
J’ai rangé les fichiers d’enregistrement, étant persuadée que je pourrais commencer à les traiter en début juillet.
Entre temps, en avril 2022, j’ai publié une autre interview en deux parties réalisée avec le personnage du printemps, Morgane. J’ai appliqué exactement la même technique : échange libre avec enregistrement de voix. La discussion a duré également 3 heures.
La rédaction des articles de blog à base d’une interview m’a fait réaliser que, contrairement à mes idées reçues, polir une perle brute demande autant de temps que de rédiger un article classique. Les interviews exigent également plus de responsabilité, car l’image des invités est impliquée.
J’ai donc décidé de travailler tout de suite sur l’interview de Lan.
Erreur de débutant
Dès la première écoute des enregistrements, je me suis retrouvée face à un énorme problème…
Vu que l’échange était totalement libre, il n’y avait aucun fil conducteur. De plus, je n’avais aucune expérience d’interviewer les gens, je ne savais donc pas canaliser la discussion. Ma perle était bien brute avec plein d’informations qui s’emmêlent et les sujets qui s’en vont et qui reviennent.
Il était impossible d’éditer tel quel. Il fallait restructurer.
Nous étions en mai. Trois mois après l’interview, ma mémoire n’était plus très fraîche, toutes les idées d’accroche et de structure que j’avais en tête au moment de l’interview se sont envolées.
Réécouter les 3 heures d’enregistrement me rendait encore plus paniquée car de base, je ne suis pas très “audio”. A chaque fois que j’écoute un livre audio, je me sens perdue. Je perds le fil, je loupe les informations, je ne détecte même pas les transitions. Je vous laisse imaginer ma galère avec les 3 heures d’enregistrements audio sans structure…
Il me fallait du visuel ! Il me fallait une version écrite !
Quand un contenu “facile” devient le contenu le plus complexe
La solution la plus évidente était de retranscrire tous les fichiers audio en texte.
Cependant, j’ai heurté un nouveau problème : mon invitée est bilingue français vietnamien, et moi aussi. Si vous avez déjà assisté à une conversation entre deux bilingues, vous saurez que les mots et les expressions des deux différentes langues sont souvent mélangés dans la même phrase, comme si c’était un cocktail. Moi et mon invitée, nous avons même ajouté des expressions en anglais dans la discussion.
Aucun logiciel de transcription automatique ne peut traiter ce genre de fichier.
Il fallait donc transcrire avec la technique traditionnelle. C’est-à-dire : écouter, et réécrire ce que j’ai entendu.
Dans le passé, transcrire une vidéo YouTube de 6 minutes dans une seule langue m’avait pris 1 heure. Alors logiquement, pour 3 heures d’enregistrement, je devrais prévoir 30 heures…
Je ne pouvais pas non plus confier la transcription à une autre personne, par respect de l’engagement de confidentialité avec mon invitée.
J’ai donc changé de stratégie. Il me fallait un autre moyen pour trouver la structure de l’article. Ensuite, je transcrirais uniquement les passages essentiels à la structure.
Par conséquent, il fallait identifier quel passage est essentiel !
Préparer le chantier
J’ai réécouté tous les enregistrements, mais cette fois-ci, j’ai noté sur un bout de papier les sujets abordés, les informations, les anecdotes, avec le timecode (de l’audio) correspondant à chaque élément.
A cette étape, je pouvais déjà identifier et ignorer les passages hors-sujet, les informations trop personnelles ou les interruptions. J’ai profité de mes déplacements en train en mai et en juin pour effectuer cette étape.
Après 6 heures de travail, j’ai obtenu 28 pages A5 de liste à puces, mais toujours pas de structure évidente.
Tous les éléments étaient liés entre eux, comme les écouteurs qui s’emmêlent dans une poche. Si on prend un bout et tire dessus, on crée un nœud, et tout sera bloqué.
La solution visuelle
Je suis visuel. Il me fallait quelque chose encore plus visuelle que les mots ! Il me fallait un code couleur !
J’ai sorti les post-it pour attribuer une couleur à chaque thème abordé. J’ai ensuite classé par thème chaque ligne de mes 28 pages de liste à puces, en collant à côté le post-it avec la couleur qui correspond au thème.
Après 1 heure, toutes les informations ont été classées par 8 thèmes (avec deux tiers de mon stock de post-it).
Une nouvelle question se pose : dans quel ordre seront présentés ces 8 thèmes ? Tous les éléments sont liés, il faut plusieurs informations pour comprendre une décision de mon personnage. Il me faut une autre solution encore plus visuelle pour trouver la grande image.
J’ai donc construit un mind map pour tracer la relation entre les différents thèmes et même, entre les éléments de chaque thème (cause – conséquence, si – alors, pourquoi – parce que…).
La structure s’est pointée naturellement après 1 heure de mind mapping.
La transcription : le montage à franchir
Nous étions en août quand j’ai attaqué la transcription. J’ai décidé de traduire directement les passages où on parlait en français ou en anglais, en vietnamien. Je suivais la structure définie précédemment en allant directement au timecode correspondant à chaque élément.
Même si cette étape reste répétitive et sans créativité, la franchir m’a aidé à trouver la technique la plus rapide pour transcrire :
- Niveau « lent » : Ecouter, puis réécrire ce que j’ai entendu
- Niveau « moyenne » : Ecouter, puis reformuler, dans une seule langue, à voix haute, en laissant l’application Notion faire la transcription automatique de ma voix.
- Niveau « accéléré » : Même technique que le niveau 2, mais en augmentant la vitesse du fichier audio à x1,5
Ma transcription était prête après 10 heures de travail, au lieu de 30 heures.
Cette version structurée ne nécessitait plus que la correction d’orthographe et la mise en page pour ressembler à un article de blog.
Néanmoins, un nouveau problème m’a sauté aux yeux: Ma transcription contenait… 10 000 mots ! Et c’est indubitablement trop long.
Couper, couper, et couper encore
« Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher. »
Antoine de Saint-Exupéry
C’était laborieux de couper les passages originaux ou émouvants, mais qui n’entrent pas dans le sujet de la “créativité”. Je me sentais coupable à chaque suppression. Mais dès l’instant où la version finale apparaissait, j’ai refait le plein de confiance. La version finale est «parfaite ». Et dans mon cœur, je me sentais reconnaissante. Rien n’est perdu. Les passages coupés resteront éternellement ancrés dans le souvenir de cette après-midi du printemps, où j’ai rencontré une personne inspirante. Ces émotions, cette ambiance, cette confiance n’étaient que pour moi, à cet instant de croisement de deux parcours créatifs.
L’édition et la correction des fautes issues de la transcription automatique m’ont pris 8 heures.
Nous étions en septembre, et je devais encore traduire cet article en français et en anglais avant de poster.
La traduction en français m’a été particulièrement compliquée, tout simplement parce que c’est l’inverse de ce que je faisais d’habitude sur le blog (j’écrivais en français en premier, ensuite, je traduisais en anglais et en vietnamien).
J’ai traduit à haute voix et j’ai utilisé à nouveau Notion pour fournir la version écrite. Mais cette fois-ci, je n’ai pas gagné du temps, puisque la correction d’orthographe et de grammaire était laborieuse, vu que la transcription automatique ne prenait pas en compte les accords en genre et en nombre, sans compter les mots qui se prononcent pareils mais qui n’ont pas la même écriture.
La traduction m’a pris 10 heures, dont 5 heures et 30 minutes pour corriger les fautes.
La traduction du français en anglais était beaucoup plus rapide. J’ai passé uniquement 3 heures dessus.
La recherche et la retouche des photos pour illustrer l’article ont duré 3 heures.
J’ai mis 45 heures pour 2 articles de blog….
Cette expérience m’a donné une leçon que je retiendrai à vie !
Une idée qui parait simple peut cacher des complexités au-delà de mes capacités !
Que pourrai-je faire pour éviter de me retrouver à nouveau dans la même situation ?
Avant l’interview :
- Définir le sujet : Rien ne m’empêche de recontacter la personne pour parler d’autre sujet dans le futur ;
- Préparer et structurer les questions, sans être rigide. Tant mieux si la discussion me mène dans une nouvelle direction.
Pendant l’interview :
- Bloquer 1 heure et demie maximum pour une interview. Rien ne m’empêche de continuer à parler librement avec l’invité.e après l’interview ;
- Penser « podcast », et non « article de blog » : imaginer un auditeur qui écoute mon enregistrement audio pour garder un fil rouge tout le long de la discussion, et reformuler directement les expressions en langue étrangère tout au long de la discussion ;
- Ne surtout pas jongler entre plusieurs langues. Mon invité a le droit de parler à sa façon, mais moi, je suis « la host du podcast », c’est à moi de gérer mon langage.
Après l’interview :
- Etablir la structure de l’article dans la semaine qui suit l’interview, quand la mémoire est encore fraîche et les sentiments sont encore intacts.
J’ai mis, certes, 45 heures pour réaliser les deux articles de blog du mois de septembre 2022, mais j’ai obtenu une « victoire » inattendue en termes de temps : comme j’ai écrit les deux articles en même temps, je les ai finis le 5 septembre. Ainsi, j’ai pu planifier la publication de l’article du 15 septembre à l’avance.
Et c’est la toute première fois que j’ai pu utiliser cette fonction, après 10 mois de blogging. ☺
Keep creating!
Tu Ha An
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