“When I say be creative I don’t mean that you should all go and become great painters and great poets. I simply mean let your life be a painting, let your life be a poem.”
« Un jour, alors que je passais devant la statue du roi Ly Thai To, près de chez moi, où de petits enfants roulaient dans des petites voitures, j’ai vu un groupe de touristes serrés les uns contre les autres, le visage illuminé par la joie de prendre des photos des enfants.
Quelque chose a jailli en moi : Si je partais en voyage, je trouverais moi aussi ce qui était en train de se passer mignon et un peu nouveau. Je voudrais immortaliser ce moment. Mais comme je connaissais trop bien ma ville – la métropole trépidante – je prenais ces petits moments magiques pour acquis.
C’est à ce moment-là que j’ai compris ce qu’était la créativité : nous n’avons pas nécessairement besoin de créer quelque chose que personne n’a jamais fait auparavant, mais plutôt de voir ces objets ou événements familiers avec les yeux d’un enfant, d’un touriste, pour apprécier la beauté de la vie, pour l’apprécier davantage à mesure que chaque seconde passe, et que tout cela devient un souvenir. »
Je n’avais pas compris tous ces mots… jusqu’à aujourd’hui
Ces mots ont été rédigés par Thảo Nguyên (A Holistic Educator), une collègue, une amie, et une créatrice que j’admire beaucoup.
Ces jolis mots ont été prévus initialement pour notre collaboration sur Instagram en… février. Mais si vous lisez cet article de blog au moment de sa sortie, vous savez que j’ai 8 mois de retard !
Pour une fois, je ne pense pas que le retard vient de ma tendance à surestimer ma productivité.
Je pense que c’est l’univers qui a provoqué une succession d’événements pour que la publication se fasse maintenant, en octobre 2023, à l’anniversaire de mes 30 ans, quand je suis présente à Hanoï, ma ville natale.
Hanoï, je pensais que j’avais oublié…
Je suis née à Hanoï, j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence à Hanoï.
Hanoï était tout ce que je connaissais. Hanoï était une évidence. Hanoï était ma norme.
A 17 ans, je suis arrivée en France pour les études ; et j’y suis restée depuis. On me demandait souvent si Hanoï me manquait, si ce n’était pas trop difficile, si ce n’était pas trop différent. Et souvent, je mentais, pour qu’on me voie comme une fille sage qui n’a pas oublié ses racines.
La vérité, c’est que, dès mon arrivée en France, j’étais si concentrée sur l’objectif de m’intégrer, d’avoir des bonnes notes, de régler des problèmes administratifs et de vivre seule pour la première fois, qu’il n’y avait pas la place pour comparer ma vie d’avant et celle après les 17 ans.
Il y a quelques semaines, en fouillant dans mon tas de dessins, je me suis rendu compte que ça faisait plusieurs années que je dessinais toujours l’automne avec les citrouilles, les boissons chaudes chocolatées, de la cannelle ou encore, les renards bien oranges et les chats noirs portant des chapeaux de sorcières. C’étaient des symboles qui arrivaient en premier dans mon esprit à chaque fois que je pensais à l’automne.
Cela peut paraître banal. Oui, vraiment banal si vous avez toujours vécu dans un pays occidental. Mais moi, j’ai réalisé que ni les mooncakes ocre dorés, ni l’odeur des fleurs « de lait » (hoa sữa), ni les pépites vertes de riz (cốm) ne venaient dans mon esprit quand l’automne arrive. Pourtant, c’était tout ce que je connaissais, c’était mon évidence, c’était ma norme. Ma norme avait donc changé. J’avais honte d’avoir oublié.
Hanoï m’a nourri, m’a aimé, m’a tant donné, et moi, j’étais ingrate d’oublier Hanoï. Je ne méritais pas Hanoï.
Mais… Hanoï, j’ai enfin compris.
Et puis, il y a 2 jours, j’ai atterri à Hanoï avec l’objectif d’y vivre pendant 2 mois. Hanoï et moi, on s’est retrouvé après 12 ans (mis à part les 2 fois où je suis rentrée pour les vacances).
Et, relisant les mots de Thảo pour préparer notre publication Instagram, tout de suite, j’ai compris comment ma norme a changé si drastiquement :
Dès mon arrivée à Lorient en France, à Trois-Rivières au Canada, ou dans une autre ville durant ces 12 dernières années, j’essayais de retenir le plus possible les pratiques quotidiennes de chaque région car, j’essayais de m’intégrer. Mais surtout, parce que je ne savais pas combien de temps je pourrais y rester. Il fallait découvrir le plus possible, garder le plus de souvenirs possibles et profiter de chaque instant.
Alors que quand je vivais à Hanoï, je n’ai jamais pensé qu’un jour je quitterai cette ville. Je n’ai jamais fait d’effort pour garder Hanoï dans mon esprit.
Hanoï, permets-moi de t’aimer autrement.
Hanoï a bercé toute mon enfance et mon adolescence. Ma créativité était née à Hanoï. Mes amitiés les plus durables ont commencé à Hanoï. Mes premiers sentiments d’amour ont germé à Hanoï.
Mais la racine de mes insécurités s’est aussi plantée à Hanoï. Je n’ai jamais pu être totalement moi-même quand je vivais à Hanoï. Je traînais la frustration avec moi dans chaque rue d’Hanoï où je passais.
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mes 30 ans.
Je ne suis plus la jeune étudiante qui voulait s’intégrer à tout prix et qui cherchait tous les moyens pour être accepté par ses paires dans un pays occidental.
Et Hanoï n’est plus ma ville. Je ne sais pas d’ici la fin de ma vie, combien de jours je passerai à Hanoï.
En essayant d’appliquer la technique de Thảo, d’observer cette ville comme si c’était une découverte, j’ai vu des spécificités à la place des simples avantages ou inconvénients.
Mais j’ai aussi réalisé que même si les symboles de Hanoï ne viennent plus en premier dans mon esprit, l’accent hanoïen s’entend toujours dans ma voix. Je suis peut-être incapable d’expliquer à mes amis occidentaux toutes les différences entre Hanoï et leur ville, mais mon comportement d’hanoïenne reste présent dans chacun de mes gestes. Je ne dessine pas directement les scènes d’automne d’Hanoï avec toutes les spécificités, mais Hanoï réside dans chacun de mes traits de pinceaux.
Alors, il est peut-être temps que j’apprenne à connaître Hanoï autrement, d’apaiser mon passé à Hanoï, et d’intégrer Hanoï dans ma vie d’une autre façon.
Hanoï, permets-moi de t’aimer à nouveau.
Keep creating!
Tu Ha An
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