À plusieurs reprises, je reçois une question de votre part concernant le matériel qu’il faut avoir sous la main pour débuter en tant qu’illustrateur.trice professionnel.le.
Il était une fois… une question restée sans réponse
Je me souviens d’une convention au Vietnam il y a quelques années, quand une première vague de BD « made in Vietnam » était publiée grâce aux financements participatifs. Pour la première fois, le jeune public passionné du dessin pouvait rencontrer des artistes du pays qui faisaient un métier de rêve, dans la vraie vie.
Forcément, la question sur le matériel a été posée à chacun.e des intervenant.e.s. Face à cette dernière, le Président de la convention a prononcé une réponse générale : « Ce n’est pas la bonne question à poser. Commencez avec ce que vous avez déjà ! »
La réponse est plutôt encourageante. Et je suis totalement d’accord que le matériel n’est pas un blocage pour commencer à dessiner.
Pourtant… faisant partie de l’audience de l’époque, j’estime que la plupart de ceux qui ont posé la fameuse question savaient déjà dessiner. Ils ne cherchaient pas la fourniture d’art magique qui les transformerait en artiste à succès. Ce qu’ils cherchaient, c’était le retour d’expérience. Ils étaient curieux de savoir s’il y avait des prérequis indispensables au niveau matériel qui distinguent un.e professionnel.elle.s et un dessinateur hobbyiste.
Spoiler alerte : Non, il n’y a pas de prérequis indispensables au niveau matériel.
Je vous garantis, car je viens de passer de hobbyiste à illustratrice de métier, il y a à peu près 6 mois.
Cependant, je suis consciente que parfois, le rendu de nos illustrations n’est pas à la hauteur de nos attentes à cause des matériels. D’ailleurs, tout le monde n’a pas les moyens ni l’occasion de tester un maximum de matériels avant de se lancer dans une nouvelle carrière.
Pour cette raison, je voudrais rédiger deux articles de retour d’expérience pour lister mes matériels, version 2022, au tout début de ma carrière :
- Un article sur les matériels pour l’illustration traditionnelle (celui-ci)
- Un article sur les matériels pour l’illustration numérique (à venir)
Dans ces articles, je citerai uniquement les matériels utilisés pour les projets professionnels et les commandes clients.
Je partagerai l’année et le contexte dans lequel j’ai procuré chaque matériel. J’aborderai également la raison pour laquelle le matériel continue à m’accompagner jusqu’à maintenant.
* Certains liens cités dans cet article sont des liens affiliés. Vous pouvez cliquer dessus pour consulter directement les caractéristiques techniques ainsi que les avis des autres acheteurs. Si vous achetez une des matériels présentés, je toucherai une petite commission qui permettra d’assurer le fonctionnement du blog.*
Pour faciliter votre lecture, votre relecture, et vos futures recherches, voici la table des matières :
Palette aquarelle
Commençons par le plus évident, le plus attendu quand on parle de matériel en aquarelle.
La palette d’origine
J’utilise la palette d’aquarelle fine de 12 demi-godets de Lefranc Bourgeois (lien Amazon)
J’ai acheté cette palette précisément le 18 juillet 2017. Ça fait presque 5 ans, à quelques jours près. A l’époque, je voulais juste tester l’aquarelle.
J’ai encore la date d’achat exacte, car ce jour-là, j’ai fièrement posté une photo mes achats sur Facebook, après avoir sacrifié la pause de midi pour un aller-retour en coup de vent au magasin d’art le plus proche (qui se situait quand même à l’autre bout de la ville).
Pourquoi je n’ai pas commencé l’apprentissage avec une palette plus bon marché ?
Même s’il existait des options coûtant moins cher avec plus de couleurs, j’ai fait ce choix pour deux raisons :
Premièrement, en 2017, j’avais déjà des bases solides en dessin, même s’il ne s’agissait pas de l’aquarelle. Je voulais une palette qui ne me limiterait pas dans les techniques avancées que j’aimerais apprendre.
Deuxièmement, les 12 couleurs présentes sont suffisantes pour effectuer des dessins complets sans se soucier du mélange dans un premier temps. Ainsi, cette quantité est assez peu pour ne pas provoquer l’embarras du choix et facilite l’initiation au mélange des couleurs par la suite.
Pourquoi cette même palette est encore utilisée une fois que je suis devenue professionnelle ?
Il y a 2 gammes d’aquarelle en général :
- Qualité « fine » principalement destinée aux éudiant.e.s
- Qualité « extra-fine » principalement destinée aux professionnel.le.s
Même s’il s’agit d’une palette d’aquarelle « fine », les couleurs sont pigmentées, la transparence est bien présente et l’emploi est agréable. La couleur sur les dessins, conservés en pochette, que j’ai faits il y a 5 ans est toujours aussi vibrante.
Etant donné que je fais de l’art appliqué (utilisé dans les identités de marque, imprimé dans les magazines ou sur les emballages…), les clients exigent une version numérisée de mes créations. Je n’ai pas besoin des couleurs avec un degré de permanence optimal et une excellente résistance à la lumière comme dans le cas des artistes qui font des expositions de leurs œuvres originales.
La palette contient 12 demi-godets de couleurs, mais elle a de la place pour 24 au total, ce qui permet d’ajouter d’autres couleurs si besoin.
Après 5 ans d’utilisation, je n’ai vidé que 2 demi-godets de la palette d’origine. J’ai également re-rempli les contenants avec de l’aquarelle en tube, cette fois-ci, en privilégiant l’« extra-fine ».
L’aquarelle en tube
J’ai ajouté à la palette d’origine 5 nouvelles couleurs que je n’arrive pas à atteindre avec le mélange des couleurs existantes, 2 en 2020 et 3 en 2021. A chaque fois, j’ai opté pour des tubes d’aquarelle « extra-fine ».
Mes tubes viennent principalement de la marque Winsor and Newton, une valeur sûre (lien Amazon).
Le dernier tube que j’ai acheté est le Rouge Cadmium Pourpre chez Sennelier (lien Amazon). C’est de loin l’aquarelle la plus agréable que j’ai jamais testée grâce à sa texture et à sa vibrance. Je ne pense pas avoir besoin d’autre couleur bientôt, mais la prochaine fois, je foncerai vers Sennelier les yeux fermés !
Il y a 5 ans, je suis loin d’imaginer qu’une palette d’aquarelle pourrait m’accompagner depuis les premiers pas en aquarelle jusqu’aux premiers pas dans la carrière professionnelle.
Accessoires aquarelle
Si la qualité de la couleur est primordiale pour un rendu propre et soigné, les outils suivants, qui restent indispensables, ne devraient pas faire l’objet d’un investissement du début de carrière.
Contenant pour aquarelle
Nous pouvons trouver des godets et demi-godets vides dans les magasins d’art et sur Internet. (lien Amazon)
Cependant, sur Internet, là où je vis, les contenants sont souvent vendus en grande quantité (une cinquantaine environ). (Et en 5 ans, je n’ai ajouté que 5 nouvelles couleurs.) Les godets vendus individuellement au magasin d’art sont au-dessus de mon budget pour un seul contenant.
J’ai donc transformé les touches d’un clavier en panne en demi-godets.
Certains artistes utilisent des bouchons de bouteilles en plastique comme contenant, certains d’autres utilisent des coquilles vides.
Palette pour mélanger les couleurs
Ma palette est une assiette apéro, procurée sur Vinted en 2021 pour le prix de 1 euro !
Avant, j’utilisais la palette en plastique incorporée au couvercle de la boîte aquarelle Lefranc Bourgeois. Mais une fois goûter au mélange dans une palette porcelaine, il m’est impossible de faire marche arrière.
Les palettes en porcelaine vendues dans les rayons de fournitures d’art et sur internet ont presque le même prix que la boite de couleur. (lien Amazon)
Si vous souhaitez acquérir une palette en porcelaine, il suffit de trouver un support avec des compartiments (comme des assiettes d’apéro), ou plusieurs petits supports (comme des coupelles à sauces). La couleur blanche est à privilégier, car elle ne faussera pas votre perception des teintes obtenues.
Contenant pour l’eau
J’utilise toujours 2 verres d’eau : un pour laver les pinceaux, un autre pour le mélange des couleurs. Je fais partie des gens qui détestent quand les couleurs en godets perdent leur pureté.
Tous types de contenant feront l’affaire pour les deux utilisations. Personnellement, j’utilise des pots de confiture vides pour la transparence du contenant. J’aimerais voir tout de suite quand l’eau doit être changée. Nous avons également moins de risques de confondre les pots et notre boisson. 😉
Pinceaux
Sur la photo du premier achat d’aquarelle en 2017, vous pouvez voir 3 pinceaux de trois tailles différentes. Depuis ce jour-là, j’ai toujours la même quantité de pinceaux.
Pinceau principal
Pinceau rond en petit-gris pur série 8383 Raphaël 6 (lien Amazon)
C’est le pinceau le plus polyvalent. Comme je dessine principalement sur du A4 et A5, je peux l’utiliser sur des grandes et moyennes surfaces. La touffe de poils une fois trempée dans l’eau forme une pointe, permettant également le travail sur de petites surfaces.
Pinceau pour les grandes zones
Raphaël Kaerell 12 (lien Amazon)
J’utilise principalement ce pinceau pour les lavis sur les arrière-plans.
Pinceaux pour les touches de précision
A l’origine, j’utilisais le pinceau de poche fourni dans la boîte Sketcher’s pocket box W&N – Cotman 12 1/2 godets (lien Amazon)
Il était très pratique pour effectuer des détails fins. Malheureusement, je l’ai bousillé sans fait exprès, en l’utilisant pour étaler du drawing gum (qu’on abordera un peu plus bas).
En 2018, avant mon tout premier Inktober, j’ai acheté un nouveau pinceau pour réaliser les détails plus fins que ce que le pinceau principal est capable de m’offrir.
J’ai opté pour le pinceau Galaxy – Manet 6 (lien Creastore)
Ce pinceau est beaucoup plus ergonomique que l’ancien. Les pinceaux de précision ont souvent une manche toute fine, rendant la prise en main plus difficile, alors que le pinceau Manet a une partie mousse sur la manche qui facilite la préhension.
Son extrémité biseautée est parfaite pour le pelage du drawing gum.
Pour que les pinceaux puissent nous accompagner le plus longtemps possible.
Les pinceaux sont mes alliés durant chaque création. Pour cela, je prends soin d’eux depuis le premier jour.
Voici mes pratiques pour prolonger leur durée de vie :
- Ne jamais laisser tremper le pinceau dans le verre d’eau pour que la pointe ne soit pas écrasée et que l’eau ne s’infiltre dans la manche.
- Toujours sécher les pinceaux à plat pour que l’eau ne pénètre pas dans la manche
- Une fois par mois, laver les pinceaux avec du savon spécifique. J’utilise Master’s Brush Cleaner and Preserver (lien Amazon) pour enlever tous les résidus de peinture et pour préserver la pointe.
Drawing gum (fluide de masquage)
J’utilise le drawing gum pelliculable 45ml de Pébéo. (lien Amazon)
Ce produit est idéal pour garder des espaces blancs sur les illustrations. Elle s’applique au pinceau et se retire en frottant dessus une fois la peinture sèche.
Je l’ai acheté en 2018, l’année où j’ai tué le pinceau Winsor and Newton. Le liquide sèche rapidement et se colle aux poils du pinceau. La touffe s’abîme dès la première utilisation et ne trouvera plus jamais son état initial.
Pour éviter de commettre la même erreur, vous pouvez appliquer du drawing gum avec les pinceaux en silicone pour la sculpture. (lien Amazon)
Papier
Pour les commandes clients, j’opte toujours pour les valeurs sûres :
- Arches 300 g/m² Grain Satiné (lien Amazon) J’ai acheté mon premier bloc en 2019, l’époque à laquelle j’incubais un grand projet de rêve. L’achat a été réfléchi pendant des semaines avant de passer à l’acte car les papiers Arches coûtent très cher. Malencontreusement, le projet n’a pas pu voir le jour. Néanmoins, le bloc de papier fait partie des meilleurs investissements que j’ai faits pour la carrière. Je suis toujours à mon premier bloc, puisque je l’utilise exclusivement pour des projets professionnels.
- CANSON Montval, 300 g/m² Grain Fin (lien Amazon) J’ai acheté mon premier bloc en 2021, avec la carte cadeau que mes anciens collègues m’ont offert pour mon départ vers le nouveau métier. J’ai profité pour tester un papier cold press grain fin, car j’ai toujours dessiné sur du grain satiné depuis le début. Dès le premier coup de pinceau, je me demandais pourquoi j’ai attendu aussi longtemps pour goûter à ce bonheur. Je suis toujours à mon premier bloc.
Crayon
Je n’utilise qu’un seul crayon pour les croquis : le même critérium 0.7mm Stabilo de mes 17 ans, offert par une personne qui m’était très chère à l’époque.
Il m’accompagne depuis 2010 pour la valeur sentimentale, malgré les cassures sur la manche à la suite de quelques chocs involontaires. Mais surtout, son poids, son diamètre, sa zone de préhension, tout est parfaitement adapté pour ma petite main.
Stylo pour l’encrage
Etant donné que j’encre avant de colorier, il faut que l’encre de mes stylos soit waterproof. Voici mes élites :
- Feutres d’Écriture Uni-Pin 0,05 et 0,1 (lien Amazon) pour encrer les détails. Premier achat : 2018, pour mon premier Inktober.
- Uni-Ball Signo UM120 N Roller Encre Gel 0,7 mm (lien Amazon) pour l’encrage principal. Premier achat : vers 2007, quand j’étais encore au collège. Le prix de ce stylo était 10 fois plus cher que le stylo Aihao que tout le monde utilisait à l’époque, mais je privilégie la garantie que l’encre ne coince pas et ne coule pas sur mon dessin. Sa manche transparente nous permet de surveiller le niveau d’encre qui reste. J’adore son encre qui brille et glisse sur le papier.
Je ne sais plus combien de stylos j’ai racheté depuis le premier achat pour chaque catégorie. Dès que je vide l’un, je rachète exactement le même puisque leur qualité convient à merveille à ma pratique.
Crayons aquarellables
J’utilise les crayons aquarellables pour « encrer » les zones sur lesquels je ne veux pas avoir un contour visible.
Je les utilise également à la fin pour ajouter des détails aux illustrations. Des fois, je remplace même l’aquarelle par des crayons aquarellables pour des raisons pratiques.
Voici mon « trésor » Faber-Castell 117513 Crayons de couleur aquarellables Albrecht Dürer, coffret bois de 120 pièces (lien Amazon)
C’était un cadeau d’au revoir que mes amis de Lorient m’ont offert en 2018. J’étais choquée en ouvrant le paquet. A ce moment-même, je me rendais compte que mes amis avaient assez de confiance en moi pour m’offrir du matériel professionnel, la crème de la crème. Depuis ce jour, à chaque trait de crayon, je sais que je suis soutenue dans cette aventure.
Mes critères
Vous avez sûrement remarqué que le rendu n’est pas mon seul critère pour choisir les matériels. Je privilégie aussi la satisfaction personnelle durant l’utilisation.
Dans un métier artistique et prestation de services comme l’illustration, nous avons des consignes à suivre, des délais à respecter et des imprévus à gérer. Pour cela, les bons matériels nous aideront à éviter le stress en lien avec son fonctionnement (ou non-fonctionnement) et faciliteront le flow en augmentant l’amusement durant la création.
Finalement, si la satisfaction est présente tout au long de la réalisation, nous n’aurons pas besoin d’attendre que l’œuvre soit finie pour nous sentir heureux.
Dans le futur proche, je rédigerai un nouvel article sur mes matériels pour l’aquarelle numérique. Je mettrai dedans mes outils pour numériser et traiter mes illustrations traditionnelles avant l’envoi aux clients.
Keep creating!
Tu Ha An
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Chloé
Merci pour ce très bel article sur ton matériel. J’adore l’idée de réutiliser des touches de clavier, je vais les regarder d’un autre oeil maintenant !
Arrives-tu à les faire rentrer dans ta palette ou as-tu une boîte différente pour les godets-clavier ? 🙂 Belle journée et à bientôt. Chloé.
Tu Ha An
Ouiii, le recyclage de clavier est très pratique ! Et oui, j’arrive à les intégrer directement dans ma palette initiale (la palette Lefranc & Bourgeois) 😉