Edité par Jo, mon éditrice en cheffe
Cet article est accompagné d’une vidéo :
Trois-Rivières, 8-2023
Mon appartement, mon cher cocon…
Je t’écris ces lignes à 5641 km de là où tu te trouves. Et à mon retour, ce sera le moment de te dire « Adieu ».
En vietnamien, il existe un mot spécial : « nhà ».
Ce mot désigne le lieu physique où on habite, que ce soit une maison, un appartement, un studio… Et il désigne également son « chez-soi ».
En gros, « nhà » est à la fois « house » et « home ».
Et toi, t’étais mon premier « nhà » dans les deux sens du terme.
Avant toi, depuis le début de ma vie d’adulte, je n’ai jamais eu la chance de rester dans un appartement pendant plus d’un an et demi.
Souvent, on croit qu’une personne qui a choisi de changer de continent comme moi doit être à l’aise avec le déménagement.
Pourtant, je n’avais qu’une seule envie : me poser, ou plus exactement : me reposer.
Je t’ai rencontré quand mon cœur, ma tête et ma présence étaient encore attachés à un autre endroit.
Quand on a franchi ta porte pour la première fois, mon partenaire de vie m’a dit : « Regarde toutes ces couleurs, même s’il fait moche, ce sera toujours joyeux ici ».
C’était la première fois que tu as dessiné un sourire dans mon esprit rempli d’anxiété. Je savais que tu serais un bon « nhà ». Et tu as tenu la promesse avec cette joie colorée, les jours ensoleillés comme les jours pluvieux, durant 5 ans.
Mais tu as donné beaucoup plus que ça
Très vite, tu as dû assister à mon premier burn-out, à mes multiples échecs et à la dégradation de ma santé physique et mentale.
J’étais noyée dans l’océan des voix. C’étaient des vagues d’opinions sur mes choix, de doutes sur mes décisions ; beaucoup étaient en colère, tristes et déçus par mes comportements de l’époque (dont je regrette la plupart).
Ils étaient persuadés que la cause venait de mon éloignement de mes racines, des bruits de Hanoï, du dynamisme des événements à organiser ou le rythme des regroupements associatifs.
Cependant, c’est le silence qui m’a fait du bien.
Tu m’as protégé avec le silence, celui dont tous les introvertis ont besoin, aiment et chérissent.
Tu m’as permis d’accepter d’enlever le masque de fille extravertie dynamique, de poser la casquette de femme ingénieure qui pesait 5000 tonnes, et d’ôter ma peau de people pleaser.
Tu sais ce qui est drôle ?
En 2019, quand j’étais à Hanoï, ma ville natale, c’était la première fois que je réalisais, de façon claire et puissante, que j’avais un « chez moi », un « nhà ».
Et ce n’était pas Hanoï. C’était TOI !
Mon appartement, mon cher cocon, merci pour ton espace et ton apparence, qui m’a permis de réaliser des courts-métrages.
Merci pour ton silence qui m’a permis de poser sur papier des lignes qui deviendront des articles de blog, des scripts de vidéos, des scénarios.
Merci d’avoir été une safe zone totale pour me permettre de dessiner à nouveau et de trouver mon style de dessin.
Tu m’as vu tomber. Et tu m’as aidé à me relever.
Notre au revoir sera rapide.
J’ai appris qu’il fallait que je déménage dès mon retour en France. En seulement 3 jours, je devrais tout emballer, tout nettoyer et te quitter.
J’aurais aimé passer une semaine seule avec toi et te dire au revoir d’une façon spéciale. Mais peut-être que ce serait une semaine remplie de mélancolie.
Alors, ce serait peut-être mieux, un au revoir en pleine action.
Sais-tu que le mot « nhà » en vietnamien a une 3e signification ?
« Nhà » désigne également une personne qui nous donne le sentiment d’appartenance : « Nhà tôi » – mon / ma partenaire de vie ; « anh nhà » – mon mari ; « chị nhà » – ma femme…
Je te quitte pour me réunir avec mon « nhà » en personne.
C’est grâce à toi que j’ai su que cette personne était mon « nhà ».
C’est lui qui m’a fait remarquer tes couleurs.
Il dessine des sourires dans mon esprit rempli d’anxiété les jours ensoleillés et les jours pluvieux. Il m’a vu tomber, je ne sais plus combien de fois, et il a toujours été présent pour m’aider à me relever.
Je te quitte. Mais tu resteras toujours mon premier « nhà ». Et je suis sûre que tu feras un merveilleux « nhà » à la nouvelle chanceuse ou le nouveau chanceux qui te trouvera.
Je t’aime.
Merci pour tout.
Adieu.
Tu Ha An
Le titre de cet article est nommé d’après la chanson Hello Goodbye & Hello, issue du film Hoshi o Ou Kodomo (Voyage vers Agartha) de Makoto Shinkai.
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