La vie maximisée d’une minimaliste
Il y a quelques années, quand le minimalisme n’était pas encore à la mode, j’ai toujours été… insatisfaite, à chaque fois que je lisais un article de blog, ou de presse, sur ce sujet. Ces articles sur le minimalisme étaient… minimalistes ! C’est-à-dire très sobres et très courts. Ils répondaient parfaitement à la question « Quoi ? » mais rarement à la question « Comment ? » et « Pourquoi ? ». Je suis restée sur ma faim à chaque fois, jusqu’au jour où j’ai découvert le blog The Present Writer de Chi Nguyen.
Contrairement aux articles de l’époque sur le minimalisme, les articles de Chi sont longs (plus de 2000 mots par article), concrets mais très développés. Ça parait bizarre pour une auteure minimaliste, non ? D’ailleurs, depuis 2020, elle a aussi commencé à créer des vidéos, des podcasts, des formations, tout en maintenant son blog et sa présence régulière sur les réseaux sociaux. Et tout ça, à côté de son travail d’analyste de données, puis de professeur à l’université à plein temps, sans compter sa vie de maman d’un enfant en bas âge. Ce mode de vie paraît aller à l’encontre du minimalisme, non ?
La réponse est non ! Nous avons tendance à relier le minimalisme avec le cliché des pièces de vie blanches qui contiennent une seule table et une seule chaise de couleur neutre, aucune décoration au mur et un maximum d’espace vide. Les personnes minimalistes dans l’imagination collective sont des personnes distantes et austères, habillées uniquement en noir et blanc. Pourtant, le minimalisme ne se résume pas à l’allégement des biens matériels ou à une vie stricte et froide.
Dans un de ses podcasts, Chi a expliqué qu’elle a réussi à faire autant de choses grâce au minimalisme holistique, c’est-à-dire, l’application du minimalisme à tous les aspects de la vie. Elle a bien sûr expliqué qu’elle a pu gagner du temps grâce au minimalisme. Ayant appliqué le minimalisme à ma vie quotidienne, j’ai aussi constaté que j’ai gagné plus de temps, mais cela ne m’a pas permis de faire « plus ». Il y avait autre chose ! Et j’ai compris plus tard, quand j’ai appliqué le minimalisme à ma façon de penser…
Un style de dessin pas du tout minimaliste
Si vous avez suivi mon parcours de création sur les réseaux sociaux, vous avez sûrement constaté que mes dernières illustrations sont beaucoup plus colorées et détaillées comparés à celles d’avant.
Une personne minimaliste n’est-elle pas censée faire une création sobre et simple ? Ayant testé le style minimaliste en 2019, suite à une tendinite qui limitait les mouvements de mon poignet droit, je peux vous affirmer que la réponse est non.
Si vous dessinez aussi, il y a forte chance que vous vous êtes déjà posés la question : « Comment trouver mon style ? » Cette question vient surtout quand nous sommes confus devant multiples choix, qui portent sur plusieurs techniques et sur plusieurs façons de créer.
A l’adolescence, j’ai déclaré que je ne voulais absolument pas me contraindre à une case avec un seul style ! Vu que mes styles étaient très variés, les gens autour de moi (qui ne travaillaient pas dans le milieu artistique) étaient fascinés. Et comme Le Vaniteux dans Le Petit Prince, les compliments comptaient beaucoup pour moi. Par ailleurs, j’avais peur de choisir le « mauvais » style et d’y être bloquée ; je ne voulais pas abandonner les autres styles qui semblaient marcher tout aussi bien les uns que les autres. Du coup, quand j’avais envie de créer une nouvelle illustration, je perdais des heures, voire des jours à me demander dans quel style je le ferai. Avec ou sans trait ? En mode réaliste ou en mode chibi ? Avec ou sans couleur ?
J’ai arrêté de tourner en rond le jour où j’ai compris que le principe du minimalisme n’est pas d’ « éliminer », mais de « choisir » : choisir ce qui est important.
Déjà, en choisissant ce sur quoi je me focalise, je fais la place dans mon cerveau, ce qui permet d’aller plus en profondeur de chaque idée de dessin. J’ai découvert que ce qui me touche le plus dans un dessin, c’est la couleur. Je choisis donc de développer mes compétences sur l’utilisation des couleurs. J’ai aussi découvert que ce qui me fascine dans un dessin, ce sont les détails. Je choisis donc de travailler les détails dans chacune de mes créations.
Aujourd’hui, quand certains me répètent : « J’aimais tes mangas (ou tes gribouillages sur Velléda, ou tes calligrammes…) C’est dommage que tu ne continues pas là-dedans ! », je ne me sens plus frustrée. Je sais que j’ai fait le choix optimal qui m’amuse à chaque coup de pinceau.
Du minimalisme à la maximisation du temps
Revenons à la problématique du temps.
Il y a quelques années, je menais une vie de dingue ! J’avais un travail à temps plein, une vie associative bien remplie, un spectacle à organiser ou à participer tous les deux mois, plusieurs projets de vidéos en parallèle, et bien sûr, le dessin ! Évidemment, je me sentais débordée.
Comme vous pouvez imaginer, avec le minimalisme, je perds moins de temps à chercher mes objets (vu que j’en possède moins), j’ai également diminué drastiquement les séances de shopping. Avec le début de l’application du minimalisme à ma mentalité, je perds aussi moins de temps à décider, pour le style de dessin, mais aussi dans toutes les décisions que nous sommes amenés à faire chaque jour (par exemple : Quelle tenue pour aller au boulot ? Quoi manger ce midi ? Que faire ce dimanche ? …)
J’ai récupéré plus de temps comparé à avant, mais bizarrement, je n’ai pas l’impression de faire plus, surtout, de créer plus de choses qui me plaisent.
J’ai constaté que mes créneaux fraîchement libérés étaient rapidement remplis par des propositions que j’avais acceptées à contre-cœur. À la base, j’étais une « people-pleaser » (le genre de personne « trop gentille » qui dit OUI à tout et à tout le monde). Je me suis rendue compte qu’avant, le manque de temps était une raison acceptable pour refuser une invitation. Mais à partir du moment où j’avais le temps, je me sentais incapable d’expliquer que je n’avais pas envie de venir à une soirée, ou de réaliser la vidéo d’anniversaire d’un pote, ou de faire une séance de photo pour le nouveau-né d’une copine…
Le minimalisme m’a forcé à me concentrer sur l’essentiel et à aller jusqu’à la racine du problème : j’avais peur de vexer les personnes qui m’ont proposé une activité, j’avais peur de les blesser, peur de me montrer égoïste, peur du conflit… Et la cerise sur le gâteau : j’avais la FOMO (« Fear of missing out », ou la peur de rater quelque chose).
Si vous ne mettez pas de priorités dans votre vie, quelqu’un d’autre le fera à votre place!
Greg McKeown
J’ai donc rempli moi-même mon temps libre par les activités qui sont importantes pour moi. Ce n’était pas facile de dire NON aux autres, en particulier quand il s’agit des personnes que nous apprécions. Même aujourd’hui, cette tâche reste culpabilisante pour moi, surtout quand je dois expliquer que j’ai prévu de travailler sur un projet personnel (comme écrire cet article) ou de tester les pinceaux, ou simplement de rester lire sur le canapé. Cependant, après le moment douloureux mais ponctuel du « non », je me sens maître de mon temps à nouveau. J’arrive enfin à travailler plus, en me sentant moins débordée.
Et je pense que c’est ça, l’application la plus raisonnable du minimalisme dans une carrière de création. Être un créateur minimaliste, ce n’est pas « faire moins », mais « choisir de faire uniquement ce qui est important ».
La magie du minimalisme
Oui, vous pouvez deviner qu’une grande partie de ce que j’ai bâti depuis quelques années est basée sur l’approche minimaliste, dont ma nouvelle vie en tant qu’illustratrice (qui est mon rêve d’enfance).
Mais non, je ne suis pas en train de vous convaincre que le minimalisme nous apportera la vie que nous voulions comme par magie. Je voudrais vraiment vous raconter une anecdote incroyable (au moins pour moi) !
Comme vous avez lu dans le premier paragraphe de cet article, je suis les contenus de Chi Nguyen depuis des années. En mars dernier, j’ai réalisé une illustration avec des éléments de l’univers de Chi, avec mon style fraîchement consolidé, et je le lui ai envoyé comme cadeau. Le dessin l’a tellement touchée que quelques semaines plus tard… elle m’a fait une proposition pour que je fasse la couverture de la nouvelle édition de son livre… sur le minimalisme.
Vous avez deviné, vu que j’ai appris à prioriser ma vie ( 😉 ) j’ai tout de suite accepté cette opportunité.
Au moment où j’écris ces lignes, le livre est en cours d’impression et sortira très bientôt. Je vous donne rendez-vous le 5 mars 2022 pour le nouvel article où je vous raconterai les histoires autour de la création de cette couverture, qui était pour moi la collaboration de rêve.
*Pour des raisons en lien avec la situation sanitaire au sein de la maison d’édition, la publication du livre a pris du retard. Par conséquent, a sortie de l’article de blog a été repoussée au 15 mars 2022 : Designer la couverture pour « Un livre sur le minimalisme », ou une histoire de chance.
Keep creating!
Tu Ha An
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